d'Agnès JAOUI et Jean-Pierre BACRI
Les réunions autour d'une fête de famille qui dégénère, vous connaissez ? C’est vendredi soir dans le modeste café de province tenu par Henri avec l’aide de son employé Denis. Henri et Betty y attendent leur frère Philippe et sa femme Yolande, dont c’est l’anniversaire, ainsi que leur mère et Arlette, l’épouse de Henri. Yolande, Philippe et sa mère ne tardent pas à débarquer. Espérant la venue imminente d’Arlette, Ils patientent ensemble en discutant de la récente prestation télévisée de Philippe. Caruso, le chien de Henri dont il est souvent question dans cette pièce, repose sagement dans son panier. A l’évidence, dans cette famille, c’est le chien qu’on tient en plus haute estime et auquel on parle le plus gentiment.
Des caractères bien tranchés assurent à la pièce une dynamique mordante jouissive. Henri, simple et rustre, est considéré à l’unanimité comme le raté de la famille. Conscient de cette injustice, il déploie une susceptibilité agressive à hauteur de sa rancœur. Philippe, à l’inverse, est celui qu’on admire parce qu’il a su grimper l’échelle sociale pour se retrouver « n°4 » dans une boîte d’informatique. Il est très imbu de sa personne. Betty, elle, est l’empêcheuse de tourner en rond, la rebelle que l’hypocrisie, les conventions et règles sociales insupportent. Maniant constamment l’ironie et la provocation, elle ne manque aucune occasion d’énoncer sa désapprobation. La mère, une veuve qui méprisait son mari à cause de son manque d’ambition, porte aux nues Philippe qui, à ses yeux, a réussi, contrairement à « Riri », réplique minable de son père. Elle est très égocentrique, tout comme Philippe.
Yolande, pièce rapportée à laquelle tout le monde a tendance à parler comme à une demeurée, est certes un peu nunuche mais elle a bon cœur et est très dévouée à son mari. Aiguillonnée sans cesse par Betty qui la pousse à boire (« après tout, c’est son anniversaire ! ») et après l’ouverture de « cadeaux » par trop décevants, elle parvient à exprimer un peu de ce qu’elle pense. Au fur et à mesure que la pièce avance, la tension dramatique va crescendo, les personnages révélant toujours plus d’eux-mêmes. Entre rire et malaise, le spectateur ne manquera pas de reconnaître là nombre de situations familières. D’autant que Denis, le serveur, en observateur attentif extérieur à la famille, s’amuse à relever tous ses dysfonctionnements par de discrètes remarques à double tranchant.
Avec les deux auteurs dans les rôles de Betty et Philippe, flanqués de Catherine Frot époustouflante de naïveté en Yolande et Jean-Pierre Darroussin en Denis faussement à côté de la plaque, la pièce a été créée en 1994 au Théâtre de la Renaissance à Paris dans une mise en scène de Stéphan Meldegg. Elle a remporté un vif succès et a obtenu le Molière de la meilleure comédie en 1995. Elle a été adaptée au cinéma par Cédric Klapisch en 1996 sous le même titre.
Texte: Valérie Lobsiger
Photos: Bernadette Guenot
DISTRIBUTION
Yves SEYDOUX, Henry
Marie-Claude REBER, la mère
Valérie LOBSIGER, Betty
Maude BONVIN, Yolande
Jacques BESSON, Philippe
Paul PIGNAT, Denis
MISE EN SCÈNE
Jérémie MILLOT
COSTUMES et MAQUILLAGE
Marianne REUSS-JATON
DÉCOR ET TECHNIQUE
Beat REBER